J’ai donc choisi de saisir l’occasion de faire le point sur ces 20 années d’exercice. Une belle occasion de regarder en arrière, de se rendre compte du chemin parcouru mais aussi de témoigner de mon vécu au sein de cette belle profession.
Pas facile de se remettre dans la peau de cette jeune femme de 24 ans…. le 7 février 2001 dans la magnifique salle de la 1ère chambre de la Cour d’appel de Paris.
J’étais à l’époque fiscaliste dans un « grand cabinet anglo-saxon » parisien après un DJCE (Diplôme Juriste Conseil d’Entreprise). Je faisais la queue le matin devant le bureau des associés pour me voir confier des recherches techniques. Je maniais les fameux « gros bleus », ces encyclopédies fiscales avec les feuillets blancs, les feuillets verts pour les mises à jour et les feuillets roses, à ne pas oublier pour les dernières jurisprudences ! Et oui, la documentation n’était pas encore en ligne à l’époque 😊
En intégrant la profession d’avocat, j’ai eu l’impression de faire désormais partie de quelque chose d’important. Oui, mais quoi ? C’est ce que j’ai mis plusieurs années à découvrir et que j’ai eu envie de partager avec vous aujourd’hui.
L’importance du titre (2001-2007)
Être avocat, c’est faire partie d’une profession respectée pour son savoir et symbolisée par le prestige de la robe. Au début, il faut se fondre dans ses « codes » (dans tous les sens du terme d’ailleurs), les subir parfois…. Se faire appeler « Maître » ? Dire en soirée « je suis avocat ». Avoir l’impression que cela force le respect pour certains. Pour d’autres, il peut y avoir une part de snobisme.
Mais, le revers de la médaille, c’est des journées (et soirées) à rallonge, la pression tant vis-à-vis des associés que des clients, la responsabilité, le doute sur ses compétences techniques, la peur de décevoir, de ne pas avancer aussi vite que les autres pour « gravir les échelons »,etc.
Et puis l’Amour est arrivé. Imprévisible, il embarque la parisienne que je suis à …. Cholet, dans le Maine et Loire ! Heureusement, mon cher et tendre m’avait prévu quelques repères en m’emmenant assez vite à la Gaubretière où se trouve le siège de Free Lance. Pour une fan de chaussures, c’est top ! J’en ai d’ailleurs fait profiter mes amies parisiennes qui me rendaient visite (elles se reconnaîtront) !😊
La recherche de la liberté et de l’indépendance (2007-2013)
Je rejoins donc le barreau d’Angers dans un cabinet d’envergure nationale. Je suis la seule fiscaliste du bureau de Cholet et je m’étonne d’être autonome dans le traitement des dossiers. Moi, qui me mettais la pression, j’en suis tout à fait capable. Et je m’en sors très bien !
Avocat à Paris, avocat en province, quelle différence ? L’unité des bilans n’est pas toujours la même, on passe parfois des millions aux milliers. Oui, c’est vrai. Mais cela ne change rien au besoin de conseils. C’est aussi gagner en proximité avec les dirigeants d’entreprise.
Pour une jeune maman, être en province et travailler près du bureau permet de concilier son investissement professionnel et sa vie de famille. Même si c’est parfois culpabilisant de ne jamais être à la sortie de l’école, ne pas pouvoir se permettre d’être parents accompagnant pour aller à piscine, à la bibliothèque ou au musée, etc C’est aussi la période des questionnements. Le cap des 10 ans dans la profession est passé.
Est-ce que je me vois associée ? Est-ce que l’on va me proposer d’être associée ? Avoir dans sa signature, sur sa carte de visite le sésame « avocat associé ». Est-ce encore un signe de plus de faire partie de quelque chose d’important ? Est-ce nécessaire pour moi de devenir associée ? Pourquoi ? Pour quoi ?
Prendre conscience qu’en réalité, ce qui compte pour moi, c’est la liberté, l’indépendance. Avocat, c’est une profession libérale. Alors, pourquoi ne pas tenter l’aventure ? L’envie d’entreprendre est là, bien présente. Après de hésitations et tergiversations, c’est décidé, je me lance !
Trouver le sens (depuis 2013)
Je crée le cabinet CALLIOS en avril 2013. Mon 3ème enfant 😊 Si j’avais su ce qui m’attendais, j’aurais franchi le pas plus tôt. Mais l’important est de se sentir prêt, au-delà des incertitudes .
Ma mission de conseil des dirigeants d’entreprise chevillée au corps, je m’aperçois de façon plus exacerbée que les avocats n’ont pas toujours une bonne image. Pour le dirigeant, c’est souvent une pure ligne de coût, toujours trop cher pour du « copier-coller ». En réalité, j’ai le sentiment que les clients ne perçoivent pas la valeur de mes conseils, de mes accompagnements. Je côtoie les réseaux (CJD, Réseau Entreprendre, etc). Mais je n’excelle pas dans cet exercice. Je m’y contrains au début. J’y fais de très belles rencontres. Souvent, lorsque j’annonce que je suis avocat. J’ai l’impression que quelque chose s’éteint dans l’œil de mes interlocuteurs. Ils me voient comme un prestataire de service qui vient chercher des clients. Ils ne me voient presque jamais comme un pair, un dirigeant d’entreprise comme eux. Du coup, je me demande si je ne devrais pas me présenter comme simple conseil aux dirigeants. C’est le début de l’engouement pour le terme de « coach ». Ce serait peut-être plus facile ? J’en ai assez des clichés qui collent à la peau des avocats. Notre profession n’est pas assez « dans le coup », ne s’adapte pas suffisamment vite à la mutation de notre société.
Quitter la profession d’avocat ? Tout au fond de moi, je ne peux pas me résoudre à seulement critiquer et être insatisfaite de l’état de notre profession. Alors, je décide d’utiliser les méthodes des dirigeants d’entreprise. Je me forme au webmarketing, à la communication. Je lis beaucoup de livres sur l’entrepreneuriat, les stratégies marketing. Je fais du développement personnel, j’apprends à identifier mes forces.
C’est alors que mes pratiques métiers commencent à évoluer. J’utilise plus de couleurs, de visuels. Je rencontre une designer. Ensemble, nous créons un visuel pour expliquer au dirigeant la fiscalité et les charges sociales. Je vois que mes clients y voient de l’intérêt. Nous parlons le même langage. Je crée un second outil pour aider mes clients dans la construction de leur pacte d’associés. Ils apprécient énormément ! Il se sentent écoutés, compris. Je ne commence pas par leur parler juridique. Je m’intéresse à leur projet, leurs préoccupations, leurs envies. Je les questionne. Ils sont au centre de la discussion, pas mes compétences. Je suis centrée client. Je fais du Legal Design ! Nous sommes en 2015. Mon chiffre d’affaires augmente, j’agrandis l’équipe.
J’ai changé de posture. Je suis tellement heureuse de constater que mes clients me voient comme une réelle partenaire au service de leurs projets ! Les outils numériques sont indispensables. Ils m’aident à gagner en efficacité, mieux organiser mon cabinet. D’ailleurs, j’en ai testé beaucoup !
Mais le Legal Design, c’est LA solution pour détruire ce mur d’incompréhension avec les clients ! Alors, pourquoi ne pas partager cette expérience et contribuer, à mon humble niveau, à la mutation des professions du droit ?
Le Legal Design est au cœur du développement de mon activité car il me permet de nourrir mon feu sacré : j’essaie au quotidien de rendre le droit plus accessible. Ainsi, j’ai l’impression de contribuer à renforcer notre démocratie. Et convaincre mes confrères, mes consoeurs de faire de même, de s’y mettre. Réinventer la profession d’avocat pour qu’elle rayonne au service de notre société.
Voilà ce qui est important, pour moi, en tant qu’avocat aujourd’hui.
Je suis fière et reconnaissante d’être avocat depuis 20 ans ! Et je suis curieuse de savoir ce que me réserve la suite de mon aventure au sein de ce nouvel écosystème …